Même pour les spécialistes, le (la) kendi est un vase dont l'utilisation présente encore de larges zones d'ombre. Ce récipient, lorsqu'il mesure entre 15 et 20 cm, ne peut évidemment pas être considéré comme instrument ayant pu servir à l'allaitement. Par contre, on rencontre assez fréquemment des modèles dont la hauteur varie de 10 à 15 cm, dans ce cas, la forme (très proche des guttus gallo-romains lorsqu'ils sont en terre cuite non vernissée), évoque inévitablement cette utilisation. Ajoutons à cela les becs mammaires de nombre de ces instruments, il n'en faut pas plus pour que le doute soit légitime. Jean-Pierre en présente d'ailleurs un dans son livre (cf. bibliographie), pour lequel il reste très prudent.  Une chose est sûre, cet objet ne peut être ignoré. Il est d'ailleurs surprenant que le Dr Dufour n'en ait pas collecté un exemplaire...

« Kendi » est un mot malais dérivé du nom Sanskrit « kunda» qui provenait de «kundika » une forme particulière de vase Indien utilisé comme récipient dans les cérémonies à la fois hindouiste et bouddhiste. On le rencontre indifféremment au masculin, "le kendi", ou au féminin, "la kendi". Cette verseuse présente un corps de forme ovale ou globulaire à long cou, parfois à bec, avec orifice latéral de remplissage. Bien que les deux vases aient deux ouvertures communes, celles-ci fonctionnent à l'inverse. Dans le kundika, le liquide est versé par l’ouverture latérale et sort par le col alors que le kendi est rempli par le col et se vide par le bec latéral de forme classique ou mammaire. Néanmoins le lien linguistique, des similitudes stylistiques et leur fonction commune imposent le kundika comme ancêtre du kendi.

Kendi et kendikas par Eng-Lee Seok Chee in « Kendis : Un Guide pour les Collections », Musée National de Singapour

Forme bien connue dans le sud-est asiatique, le kendi y a joué un rôle important dans les rituels et la vie quotidienne de la région depuis l'Antiquité. Fait de métaux précieux comme l'or, l'argent ou le bronze, le kendi et son précurseur, le kundika, apparaissent dans la sculpture et la peinture en tant qu'attribut souvent tenu dans la main des dieux hindous Brahma et Shiva ou Maitréya, le futur Bouddha. Il était utilisé comme vase rituel contenant l'eau bénite prélevée dans les rivières sacrées bénies des dieux ou lors de cérémonies de couronnement des rois comme symbole de purification.

Peu de preuves existent pour soutenir l'utilisation prolongée de la kundika en Asie du sud-est. À la fin du premier millénaire, son successeur, le kendi, était la forme privilégiée. Cette popularité est probablement liée à la fonction différente des deux vases. Le kundika était en métal précieux et utilisé comme un récipient pour l'eau bénite dans les rituels et les cérémonies associées aux divinités. La fonction du kendi comme vase à boire le destinait à être utilisé par une plus large part de la population. Il pouvait être fabriqué avec des matériaux locaux et donc satisfaire aux besoins quotidiens du peuple, comme l'allaitement de jeunes enfants...

Les centres de céramique renommés de Thaïlande, de Chine, du Japon et du Vietnam produisaient le kendi traditionnel fait d'argile cuite recouverte d'une glaçure verte ou peinte de motifs symboliques. Il était tellement vénéré en Indonésie et aux Philippines qu’il servait de vaisselle funéraire. Le kendi a été transmis à travers les générations dans ces deux régions. Il fut  exporté vers le marché européen et se trouve représenté dans les peintures néerlandaises et allemandes et copié dans les porcelaines. Le kendi fait d'argile cuite glacée a une longue histoire et fut longtemps utilisé comme simple vase utilitaire, idéal pour ses propriétés de refroidissement et pour sa portabilité (transport de l’eau de villages en villages, conservation de l’eau douce sur les navires...).

kendis en terre cuite blanche, corps rond, col large et bec conique - H : 10 à 15 cm
Trouvés dans l'est de Java. Dessins d'après Sumarah Adhyatman, « Kendi »

  Les images sont empruntées aux catalogues de ventes aux enchères de quelques maisons renommées : Christie's, Drouot...

L'intérêt de ce petit catalogue réside dans la gravure du biberon limande Fafournoux, proposé ici avec bouchon de liège marqué au nom du fabricant. Les modèles Fafournoux sont rarement représentés. Les marquages à l'acide ou dans la masse devinés sur cette gravure sont à prendre avec réserves ; en effet les spécimens limandes traditionnels sont habituellement rencontrés avec une simple étiquette collée sur le biberon, seul élément qui les différencie des biberons limandes à bec rond génériques. Ce type de marquage permanent se voit plutôt sur les modèles de limandes tardives avec bouchons à vis (avec trou de remplissage comme ici ou à simple soupape comme le modèle vendu par la Pharmacie des deux mondes en 1902).

Plus d'informations sur le biberon limande : Limandes et limandes tardives

Biberon flasque en verre de forme plate à goulot droit rodé muni d'un petit trou soupape avec bouchon en verre percé dans lequel s'adapte un bouchon conique avec pastille de préhension (manquant). (Modèle conservé au musée Flaubert et d'histoire de la médecine de Rouen (cf. bulletin 6 Saison 03 de mars 2007).