Bibérophilie - Saison 9 - 04 - Décembre 2012

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1 - Biberon Charrière

2 - Carnet de nourrice au biberon 1880

3 - Objet du mois

4 - Nouvelles du site

5 - Ventes de novembre

Echanges - Collections - Liens - Archives - S9-04


1 - Biberon Charrière
 

Frédéric charrière fait partie de ceux qui ont marqué l'histoire du biberon et, nous le verrons plus loin,  plus largement l'industrie naissante des instruments de médecine. Il s'inscrit dans les recherches et perfectionnements qui, depuis le modèle Breton, se multiplient. Chronologiquement, il se situe après le non moins célèbre biberon Darbo. La particularité de son biberon réside, comme indiqué dans la Grande Encyclopédie du XIXème siècle, page 675, dans un bout de sein en ivoire ramolli par l'acide chlorhydrique, qui, à la condition d'être maintenu dans l’eau tiède lorsqu'on ne s'en sert pas, conserve la plus grande propreté unie à la flexibilité des mamelons naturels. Pour mieux comprendre le succès de ce biberon, il faut sans doute se tourner vers la démarche générale de cet inventeur, qui loin de se contenter de fabriquer des instruments plus ou moins adaptés, base ses recherches sur l'observation de celles et ceux qui seront amenés à utiliser son matériel... Je vous propose donc de faire plus ample connaissance avec ce remarquable personnage grâce à J. Drulhon.

 

Joseph Frédéric Benoit Charrière (1803-1876)

© Coll. Académie nationale de médecine

Biberon sabot en verre à goulot dressé rodé.
L : 165 mm - Cont. : 120 ml

Par brevet d'invention - Ivoire flexible

Biberon CHARRIERE Paris - 9 rue de l'école de médecine inscrit dans la masse

 

Frédéric Charrière, qui a été placé au nombre des ouvriers habiles et heureux, fut le premier industriel d’instruments de chirurgie, en France et à l’étranger. Il fut le premier aussi à avoir formé dans ses ateliers un très grand nombre d’émules qui, plus tard, s’établirent à leur compte et devinrent un peu ses concurrents ; mais ils formèrent à leur tour d’autres artisans qui tous mirent dans leur pratique quelque chose qui venait des ateliers de la rue de l’École de Médecine. La renommée de l’instrumentation chirurgicale française lui doit tout.

Longtemps laissée entre les mains des forgerons et des couteliers, la fabrication des instruments de chirurgie n’avait pas progressé d’un pas, ou si peu. En ce début du XIXe siècle, l’art de fabriquer les instruments se plaça en France au-dessus de toute concurrence, par suite des perfectionnements dus à l’intelligence et aux travaux de plusieurs artisans éminents. Charrière fut l’un de ceux-là, et aussi l’un des tout premiers. Il travaillait sans relâche dans ses ateliers, seul ou avec les ouvriers et les contremaîtres. Il a tout de suite senti que, seul dans son coin ou dans son magasin, il ne pourrait donner à son talent qu’une petite part de ses possibilités. Il lui fallait aller là où s’appliquaient les instruments qui sortaient de ses mains. Il l’a écrit lui-même, dans l’introduction de sa notice de 1834 : « J’ai compris tout l’avantage qu’il y aurait de voir fonctionner mes instruments. J’ai donc demandé à assister à des opérations chirurgicales. J’ai été singulièrement favorisé par les chirurgiens de la capitale, car tous m’ont accueilli avec une grande bienveillance, et la plupart m’ont, j’ose le dire, servi de maîtres ».

Ainsi, de jour en jour, associé de plus en plus étroitement aux exploits des chirurgiens, Frédéric Charrière devint, en quelque sorte, l’animateur du progrès de l’arsenal chirurgical qui a profondément marqué le XIXe siècle. Façonnés par sa main, les instruments qui sortaient de ses ateliers acquirent une qualité qu’ils n’avaient eue qu’imparfaitement jusqu’alors. Il fallait entendre par là, que les nouveaux instruments, sous le petit encombrement qu’il avait réussi à leur donner, avaient maintenant une force et une résistance qui permettaient aux praticiens de vaincre les grands obstacles présentés par le corps humain. Cette solidité à toute épreuve, ce fut la trempe de l’acier qui la leur donna, trempe où excella notre coutelier. C’est la pensée que le docteur Tuffier, chargé de rédiger le rapport centennal sur les instruments de chirurgie à l’exposition de 1900, exprima pour évoquer Frédéric Charrière et son oeuvre. Il y avait donc bien une « qualité Charrière ».

À son talent d’inventeur, à sa belle capacité de travail, Charrière avait ajouté des dons exceptionnels de mécanicien et même de solides notions de physique et de chimie. En 1842, avant de déposer un brevet pour un nouveau système de galvanisation des métaux, il fit et refit sans cesse des expériences pour assouplir l’os et l’ivoire, expériences qui aboutirent en 1840 à un brevet très lucratif pour des tétines de biberons et des bouts de seins artificiels ; il proposa même un nouvel électro-aimant qui semble, en revanche, n’avoir pas beaucoup retenu l’attention des électriciens.

Mais son vrai domaine, celui où il était à l’aise et qu’il porta à l’excellence fut la fabrication des instruments de chirurgie. Cette industrie, pour ainsi dire, naquit en France, à Paris, plus exactement dans ses ateliers. « Sous l’impulsion de M. Charrière, elle a pris, il y a environ quarante ans, une importance considérable et elle a fait des progrès incessants. » C’est ainsi que le docteur Onimus concluait son rapport sur les instruments au retour de l’Exposition internationale de Vienne (1873). Charrière était à cette date retiré des affaires, mais tous les observateurs reconnaissaient en lui son action passée : la création et l’animation de cette industrie française qui fut si prospère jusqu’avant la Première Guerre mondiale.

J. Drulhon, Frédéric Charrière (1803-1876) Fabricant d’instruments de chirurgie et 150 ans de l’histoire d’un établissement parisien du quartier des Cordeliers, Paris, 2008

 

CHARRIERE (Frédéric), Brevets d'invention. Bouts de sein et biberons en ivoire flexible,[...], Paris, 1840

 

Comme tous ses concurrents, et ceci vingt-cinq ans après le dépôt de son brevet, Charrière sera largement imité . Ainsi l'on trouve encore des biberons "façon Charrière" dans le catalogue pharmaceutique Falgas de 1867. Les flacons de forme sabot (le plus souvent imités) ou droite, seront proposés en cristal, étain semble-t-il (nous le verrons plus loin) et plus tardivement en verre.

 

Biberon sabot en cristal à goulot dressé rodé.
L : 170 mm - Cont. : 120 ml
Modèle type Charrière

Référence 228 du catalogue Falgas

 

DORVAULT, Catalogue pharmaceutique, Paris, 1862, page 193

 

Extrait du catalogue Falgas - DORVAULT, "L'officine ou répertoire général de pharmacie pratique", Paris, 1867


2 - Carnet de nourrice au biberon - 1880
.

Pour l'été 2011, je vous présentais un carnet de nourrice au biberon de 1911, délivré à la mairie de Beslon (département de la Manche). Les carnets de nourrice apparaissent au lendemain de la guerre de 1870. Ils permettent d'établir un lien entre les nourrices, les médecins, les familles et des médecins inspecteurs. Aujourd'hui je vous propose de jeter un oeil sur la première génération de ces fameux carnets, puisqu'il s'agit d'un exemplaire daté de 1880, soit bien avant l'interdiction des biberons à longs tuyaux.

   

En lieu et place de l'arrêté d'interdiction qui figurait en page 2 du carnet de 1911, celui-ci reprend les recommandations de l'Académie de médecine en pages 10 et 11 (les pages précédentes reprennent la loi du 23 décembre 1874 sur le placement des enfants en nourrice).

Pendant la première année, la seule nourriture de l'enfant doit être le lait, celui de sa mère surtout qui est toujours préférable, ou, à son défaut, celui d'une nourrice. Le sein doit être donné toutes les deux heures, environ, et moins souvent la nuit.
A défaut de lait de femme, se servir de lait de vache ou de chèvre, tiède, et d'abord coupé par moitié ; puis, quelques semaines après, par quart d'eau légèrement sucrée.
3° Pour faire boire ce lait, employer des vases de verre ou de terre et les nettoyer avec soin toutes les fois qu'on s'en est servi ; ne jamais se servir de vases d'étain, qui contiennent toujours du plomb ; éviter l'usage des suçons de liège ou d'éponge que l'on met quelquefois entre les lèvres de l'enfant pour calmer sa faim ou ses cris.
S'abstenir des compositions diverses que le commerce recommande pour remplacer le lait.
Se rappeler que la nourriture au biberon ou au petit pot, sans le secours du sein, augmente beaucoup les chances de maladie et de mort des enfants.
[...]

Les pages 12 et 13 détaillent les civilités et autres renseignements sur la nourrice et son mari (dont le certificat médical). On apprend qu'Eugénie Behral, ménagère, est née le 28 juillet 1841 à Warsy et qu'elle est l'épouse de Baillet Ernest, extracteur de cailloux. Il est également question d'un enfant né le 7 juillet 1876 et décédé le 12 avril 1878. Elle fait sa demande de nourrice au biberon pour la petite Gobelin Louise-Augustin le 28 novembre 1880.

La page 14 (l'extrait d'acte de naissance) nous renseigne sur les parents, le père Joseph-Victor Gobelin exerce la profession de teinturier à Paris et est l'époux de Behral Marie-Mélanie-Emilie. La mère de la petite Louise-Augustin n'est autre que la soeur de la future nourrice.

Les pages 16 et 17 reprennent les conditions du contrat (25 francs par mois) et la composition de la layette.

Page titre

 
Les pages 20 et 21 indiquent les visites mensuelles du médecin inspecteur du 26 novembre 1880 au 4 novembre 1883, fin de la mise en nourrice.
 

 

Warsy est une commune située dans le département de la Somme, arrondissement de Montdidier, Canton de Moreuil. En 1870, la commune comptait environ 300 habitants.

Située à 120 kilomètres au nord de Paris, cette petite commune rurale fait partie des destinations privilégiées pour les bébés placés en nourrice à la fin du XIXème siècle comme beaucoup de villages des régions actuelles de Picardie et Haute-Normandie. Ces deux territoires limitrophe de l'actuelle Île de France ont accueilli de nombreux petits parisiens dont les parents travaillant tous les deux ne pouvaient se charger.

Le lien familial est ici démontré et le fait que la nourrice ait perdu son enfant quelques années plus tôt permet à cette dernière de disposer du matériel nécessaire au bon déroulement du séjour.

On retrouve une configuration très classique (en dehors du lien familial) : les parents résident à Paris et participent à l'essor industriel de cette fin de siècle. Accaparés par le travail, ils délèguent l'élevage de leur nouveau-né à une nourrice de milieu rural. Ici la nourrice n'aide pas son mari comme c'est souvent le cas lorsqu'il s'agit d'un couple de fermiers, c'est donc une rentrée d'argent certes modeste (25 fr. par mois) mais non négligeable.

 

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3 - Biberon sabot en étain
 

Le docteur Renner, dont j'évoquais l'ouvrage dans le bulletin précédent, m'a fait parvenir l'image d'un biberon sabot en étain. Ce rare exemple que je croyais être produit par Guilbaut n'ayant d'autre référence que celle indiquée page 194 du catalogue Dorvaut, semblerait être distribué par Charrière.

   
   

 

Voilà ce que nous dit le Docteur Renner à son propos :

Vous trouverez le biberon en étain de Charrière. Charrière était un coutelier spécialisé dans le matériel chirurgical et son biberon, en étain, a nécessairement été produit par un potier d'étain, pas de chance, son poinçon est l râpé et son identification impossible. Il mesure 21cm et dispose d'un tube plongeur. La forme de ce modèle à plat est similaires à celle du modèle en verre du même Charrière qui reçut un brevet d'invention. Ce modèle est apparu peu avant 1840, Cette année là, l'Académie de Royale de Médecine lui adresse une lettre dans laquelle il est également question du mamelon en ivoire ramolli.
Une lettre adressée à Charrière par l'Académie de Médecine le mentionne avec le modèle en verre et rappelle qu'il y en avait en or.

 


4 - Nouvelles du site
 
TISSIER, Catalogue pharmaceutique, Paris, 1895
 

 

En janvier 2010 (bulletin S6-05), je vous parlais du catalogue Tissier successeur des maisons Alcoque et Vimeux apparues au XVIIIème siècle (la maison Alcoque fut fondée en 1761). Ce catalogue vient aujourd'hui rejoindre la page bibliographie.

En 1895, la manufacture parisienne se trouve au 204 Faubourg Saint-Denis et la maison de détail au 90 rue de Rivoli. La verrerie possède également une usine à Marines (Seine-et-Oise aujourd'hui Val d'Oise) et un dépôt à Limoges.

En dehors du biberon de la marque (Ref. 1394) : le Rationnel - Méplat à pans - A soupape - Brevet 5289 du 16 avril 1889, ce catalogue présente divers modèles, dont celui à bec recourbé, identifié comme "forme américaine" avec bouchon buis et tétine caoutchouc (Ref. 1393 du catalogue).

La maison Tissier propose aussi les modèles tout en verre à vis de forme française et de forme anglaise appelé ici "Biberon courbe".

 

A noter l'intéressante note de bas de page 215 :

Sur demande, nous pouvons fournir ces biberons avec le nom et l'adresse du client moyennant une dépense de 12 fr. et pour commande de 500 pièces minimum.

Comme d'autres, Tissier permet donc la production de biberons à longs tuyaux personnalisés qui pullulent à la fin du XIXème siècle.

Ces modèles dits "de pharmaciens", étant fabriqués à 500 ou 1000 exemplaires, la plupart du temps, sont aujourd'hui peu représentés et leur intérêt assez limité.

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Recensement des biberons en étain poinçonnés
   

Faisant écho au travail effectué autour des biberons en verre produits de 1820 à 1920 qui regroupe aujourd'hui 243 références, je débute le listing des modèles en étain portant un poinçon de maître potier. Certains modèles produits par des fabricants apposant seulement leur marque tel Charrière, seront néanmoins répertoriés. Toute information visant à compléter cette démarche sera la bienvenue.

 


Artisanat XIXe

Date Type Marque - Modèle Plus value / moins value Prix
25/11/2012 Pod bronnek HB Quelques éclats 67,00 €
29/11/2012 Pod bronnek HB Quimper   155,00 €
30/11/2012 Biberon balustre en étain   Long tuyau 95,00 €

Verre industriel XIXe - XXe

Date Type Marque - Modèle Plus value / moins value Prix
03/11/2012 2 biberons limandes tardives Robert A filtre (sans bouchon) 60,00 €
04/11/2012 Biberon limande tardive à soupape Fafournoux Avec bouchon Monchovaut 52,50 €
05/11/2012 Biberon méplat à pans Robert 1873   25,50 €
05/11/2012 Biberon nourricier Robert Perf. Avec tétine 31,50 €
06/11/2012 3 biberons méplats à pans Robert Couvercle, marque oblique 81,00 €
24/11/2012 Lot biberons nourriciers et méplats Robert 1873 - Oblique - Perf 70,00 €
24/11/2012 2 biberons méplats à pans Robert 1873 bouchon verre-Marque oblique 48,00 €

Moulés et sérigraphiés XXe

Date Type Marque - Modèle Plus value / moins value Prix
11/11/2012 Biberon en verre moulé Mon biberon Petit éclat 32,00 €
11/11/2012 Lot biberons verre moulé et sérig. Pyrex Avec 2 boites (Pyrex Nestlé) 21,00 €

Documents et divers

Date Type Marque - Modèle Plus value / moins value Prix
20/11/2012 Catalogue pharmaceutique Baudart & Cie   128,00 €
24/11/2012 Chromo Nestlé     7,10 €

A bientôt

LudoGrid

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